Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais durant toute votre vie, votre cerveau passe son temps à cataloguer les sensations, le poids et la forme de tout ce que vous touchez. Ce faisant, il alimente ce que l’on appelle la mémoire haptique et permet à vos muscles de connaître immédiatement la force exacte qu’ils doivent mettre en œuvre pour saisir une bouteille d’eau lorsque vous la voyez.
Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais durant toute votre vie, votre cerveau passe son temps à cataloguer les sensations, le poids et la forme de tout ce que vous touchez. Ce faisant, il alimente ce que l’on appelle la mémoire haptique et permet à vos muscles de connaître immédiatement la force exacte qu’ils doivent mettre en œuvre pour saisir une bouteille d’eau lorsque vous la voyez.
Que vous en soyez conscient ou non, la mémoire haptique a également ceci de fascinant que toutes ces connaissances sont stockées dans votre cerveau et qu’elles s’y entremêlent à d’autres souvenirs sensoriels ou émotionnels.
Dans son article consacré à l’expérience que constituent la manipulation et la lecture de livres, Charles Spence, qui est professeur de psychologie expérimentale à l’université d’Oxford, mentionne « la supériorité de l’encodage multisensoriel sur l’encodage monosensoriel de la mémoire ».
Autrement dit, dans une expérience, nous retenons mieux les informations lorsque plusieurs de nos sens participent à leur acquisition. Le Pr Spence poursuit en faisant état de recherches montrant que, quand nous lisons, nous avons tendance à mieux retenir le message d’un livre que celui d’une publication numérique parce que tous nos sens sont alors impliqués dans le processus.
Si nous nous souvenons mieux d’un message lorsqu’il est imprimé sur du papier, et si nos souvenirs sensoriels interagissent, il paraît alors logique de penser qu’une texture agréable laissera une impression agréable sur la mémoire de ce que nous lisons. La question de la texture et du toucher du papier que nous pouvons choisir pour une impression revêt ainsi, à la lueur de ce qui précède, une importance fondamentale, d’autant que, comme l’explique la linguiste Naomi Baron, si « l’odorat et la vue sont des sens pertinents lorsqu’il s’agit de lire, le toucher pourrait toutefois bien être le plus important ».
Des recherches ont été menées sur l’effet que peuvent avoir sur les gens certaines des principales caractéristiques de l’expérience sensorielle que constitue le toucher du papier : poids, douceur (ou absence de celle-ci), texture... Voici un bref récapitulatif des résultats obtenus jusqu’à présent :
Cette idée de « caractère naturel » est en fait liée au concept du « transfert de sensation », explique le Pr Spence : « Le ‘transfert de sensation’ désigne l’effet, observable chez les consommateurs, du transfert (conscient ou non) des attentes ou des sentiments de ceux-ci à l’égard du (...) réceptacle sur leur évaluation du (produit) lui-même ».
Dans le cas de la communication imprimée, l’idée est que la texture du papier influencera notre idée du message qu’il délivre. Cela peut également définir la perception que l’on peut avoir d’une marque ou d’un produit. Pour revenir au cas du caractère naturel, un papier mat et irrégulier peut susciter l’idée d’un produit naturel, qui alimentera à son tour l’idée d’une marque naturelle (ainsi que cela peut notamment être le cas pour les étiquettes de certains vin, de certains aliments ou de certains produits cosmétiques). Une surface lisse et brillante peut, en revanche, évoquer l’impression qu’éveille en nous des produits fabriqués par l’homme et peut, en conséquence, mieux convenir à la promotion d’une technologie de pointe.
Mais le temps est cependant venu de prendre en compte un autre facteur intéressant. Ce facteur réside dans la notion de congruence ou d’incongruence. L’idée est, ici, que vous ne devez pas nécessairement vous en tenir parfaitement au langage de votre marque. Une étude révèle ainsi que si vous êtes une marque perçue comme innovante, vous pouvez même tirer parti de l’envoi de signaux contradictoires (alors que cela ne s’applique nullement aux entreprises perçues comme traditionnelles).
Le Fat Duck, qui est l’un des restaurants les plus innovants du Royaume-Uni de ce début de millénaire, a, sur ce point, été l’un des premiers à utiliser du papier au toucher peau pour fabriquer ses enveloppes. Lorsque vous voyez un papier d’aspect normal, votre mémoire haptique peut immédiatement deviner la sensation que suscitera cette enveloppe au toucher ; imaginez la surprise que cela peut provoquer lorsque ce n’est pas le cas et qu’au lieu de la sensation de toucher du papier, vous avez la sensation de toucher de la peau.
Si le choix d’une texture congruente peut constituer un moyen de renforcer votre message, l’incongruité peut néanmoins représenter la clé pour qui rendra votre message véritablement mémorable.
Les recherches portant sur l’effet des textures en sont à leurs débuts, et sont mises en relation avec les effets de la couleur ou l’odorat, etc. Mais les quelques éléments dont nous disposons nous permettent d’ores et déjà de commencer à faire des expérimentations. Pensez ici au livre de cocktails de The Aviary, (The Aviary Cocktail Book) qui a opté pour l’utilisation de différents types de papier afin de marquer la différence entre ses chapitres.
Une idée que le Pr Spence a développée avec nous : « Dans un livre, vous pouvez trouver différents types de papier permettant de marquer les différentes sections qui le composent. Il peut s’agir de papiers différents d’aspect ou de papiers différents au toucher », ce qui permet d’ajouter des couches de sensorialité à votre message et de le rendre vraiment mémorable.
Alors que les neurosciences et les sciences du comportement progressent dans le domaine de la multisensorialité, des entreprises et des start-ups innovantes redécouvrent, quant à elles, le pouvoir du toucher et des textures sous un nouvel éclairage. Le moment est venu d’expérimenter et d’emprunter de nouvelles voies créatives, car le monde de demain sera certainement un monde sensoriel.
1 Shitsukan — the Multisensory Perception of Quality, Charles Spence
2 Textures that we like to touch: An experimental study of aesthetic preferences for tactile stimuli, Etsi, Gallace, Spence3 Textures that we like to touch: An experimental study of aesthetic preferences for tactile stimuli, Etsi, Gallace, Spence
4 Haptic Sensation and Consumer Behaviour: The Influence of Tactile, Racat, Capelli
5 Shitsukan — the Multisensory Perception of Quality, Charles Spence