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Mix & Match - Quand les graphistes s’amusent

24 mars 2021 —
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Véritable tendance de fond, cela fait déjà plusieurs décennies que le Mix & Match anime le monde de la mode. Avec l’essor des blogueurs de mode sur Instagram et leur recherche effrénée de styles uniques, le Mix & Match a toutefois pris une importance telle qu’il a, au cours de ces dernières années, littéralement envahi les podiums - les derniers défilés de mode n’y ont pas non plus échappé. Favorisée par l’utilisation des médias sociaux, cette tendance s’est même étendue à la décoration intérieure qui n’hésite ainsi plus à associer des meubles scandinaves vintage à des tapis Ikea. Le Mix & Match est un jeu joyeux d’expérimentation touchant tous les domaines liés à l’image, tant des personnes que des marques. Le graphisme est, lui aussi, entré dans la danse.

Véritable tendance de fond, cela fait déjà plusieurs décennies que le Mix & Match anime le monde de la mode. Avec l’essor des blogueurs de mode sur Instagram et leur recherche effrénée de styles uniques, le Mix & Match a toutefois pris une importance telle qu’il a, au cours de ces dernières années, littéralement envahi les podiums - les derniers défilés de mode n’y ont pas non plus échappé. Favorisée par l’utilisation des médias sociaux, cette tendance s’est même étendue à la décoration intérieure qui n’hésite ainsi plus à associer des meubles scandinaves vintage à des tapis Ikea. Le Mix & Match est un jeu joyeux d’expérimentation touchant tous les domaines liés à l’image, tant des personnes que des marques. Le graphisme est, lui aussi, entré dans la danse.

 

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“(...) le truc, avec le Mix & Match, c’est que cela peut provoquer un grand nombre d’heureux accidents. »Jaako Tuomivara

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Pour le graphiste senior Jaako Tuomivara (Supergroup Studios), c’est l’utilisation des ordinateurs qui a réellement permis aux graphistes d’accéder à l’univers du Mix & Match. Comme il l’explique lui-même, « avec l’ordinateur, le truc tout à la fois horrible et beau, c’est que tout se retrouve aplati ». Force est effectivement de constater que l’utilisation permanente des ordinateurs a rendu cette planéité acceptable pour tous, même en ce qui concerne les objets en 3D. Le fait que tout se trouve mis au même niveau permet plus facilement de jouer avec des éléments différents, tels que des photographies, des illustrations ou du texte, et de les assembler. Mais le plus important réside sans doute dans le fait que les écrans d’ordinateur se sont révélés être de véritables outils révolutionnaires, capables de proposer un rendu aussi proche que possible de ce que sera le résultat sur papier. « Plus vous vous rapprochez des résultats finaux de ce sur quoi vous travaillez », poursuit ainsi Jaako Tuomivara, « plus il vous est facile d’y jeter tout et n’importe quoi et de faire des essais, parce que, le truc, avec le Mix & Match, c’est que cela peut provoquer un grand nombre d’heureux accidents ».

Du jeu avec du papier de création

 

Le Mix & Match convient tout particulièrement à la mise en place d’une communication personnalisée. Dans un certain nombre d’articles précédents, nous avions abordé l’influence que peuvent avoir la texture et la couleur dans la communication sur papier ; le principal argument étant que ces deux composantes possèdent intrinsèquement la capacité de délivrer des messages qui leur sont propres. La recherche montre ainsi que le papier, lorsqu’il est épais, peut alimenter l’idée que l’on se trouve en présence d’un certain niveau de qualité, ou que le bleu peut, quant à lui, susciter la confiance. Mais que se passe-t-il lorsque l’on procède au mélange des couleurs ou des textures ? Pour en savoir davantage à ce sujet, nous avons demandé à Éric Guillouard, designer coloriste et copropriétaire de l’agence Atelier 3D couleur, de nous aider à saisir tous les enjeux de cette pratique.  

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« Il vaut mieux éviter le choc des couleurs et ne pas opposer une couleur chaude à une couleur froide, sauf si celles-ci sont d’égale valeur. »

Eric Guillouard
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Pile de menus pour le restaurant Bahama Mamas,
par A-Side Studio sur  
Keaykolour et Pop’Set (UK)

 

 

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« Moonlight Traveller », par Alan Chong, de Nowmatters,
sur Keaykolour et Curious Metallics
(Hong Kong)

 

 

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Conçu par Andy Chiang sur Curious Alchemy,
Curious Metallics, Skin Curious Collection et Keaykolour

(Hong Kong)

 

L’agence, qui collabore avec des entreprises comme Hermès, Airbus ou Philips, a également été chargée de développer les gammes de couleurs des papiers de création Arjowiggins.

Inspirés par ce qui se fait déjà en matière de peinture pour les décorateurs d’intérieur, elle a créé une nouvelle collection en 2018 et a revu totalement le portfollio dans lequel le principe du Mix & Match peut s’appliquer aux papiers de création. « Notre concept donne aux graphistes la possibilité, dans des gammes riches, d’associer librement les couleurs en sachant pertinemment que tous les choix d’association de couleurs fonctionneront. C’est ce que nous appelons une gamme harmonisée », souligne Éric Guillouard. Arjowiggins a ensuite lancé en février 2021 les outils Keaykolour et Curious Metallics qui permettent de mélanger et d'associer les couleurs à l'infini.

 

Lorsqu’on lui demande des conseils sur l’art et la manière d’assortir les couleurs, ce dernier n’hésite pas à énoncer quelques règles toutes simples : « Un conseil qui tombe sous le sens, et qui permet de jouer la prudence, c’est de travailler en monochromie. Si vous recherchez le contraste, il convient alors de privilégier un contraste très fort, en recourant ainsi à un ton très clair combiné à un ton très foncé. Mais il vaut mieux éviter le choc des couleurs et ne pas opposer une couleur chaude à une couleur froide, sauf si celles-ci sont d’égale valeur. Admettons, par exemple, que vous preniez un vert pastel avec un orange foncé : il est fort probable que cela ne fonctionnera pas.

 

Dans un projet comme un livre ou un catalogue, par exemple, on dispose, sur le principe, de quatre options possibles. La première est classique, et consiste à utiliser une couverture de couleur claire avec des pages de couleur claire. Le fait de travailler avec des couleurs neutres peut, ici, s’avérer être une solution de grande élégance. Une deuxième possibilité consiste à utiliser une couleur sombre pour la couverture et à produire un effet spectaculaire en proposant, en revanche, un intérieur qui, lui, sera clair. Une troisième possibilité consiste, elle, à rechercher le choc chromatique, ce qui aura un impact d’une très grande force. La dernière possibilité, qui me semble très moderne, mais qui n’a pas encore été beaucoup explorée, consiste à proposer une couverture légère et classique avec des pages colorées. Le défi à relever est alors, bien sûr, de parvenir à imprimer sur la couleur tout en restant facilement lisible, mais je pense qu’il s’agit là d’une approche intéressante. »

 

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Articles de papeterie par HeyStudio sur Pop’Set (Espagne)

 

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Articles de papeterie par HeyStudio sur Pop’Set (Espagne)

 

Le Mix & Match, c’est avant tout la liberté de création, une approche permettant que chaque création soit véritablement unique en son genre. À l’ère des médias sociaux, où la personnalité constitue un argument de vente incontournable, le Mix & Match permet justement de créer des projets uniques et qui n’ont en commun que la personnalité de la personne les ayant créés.

Jérôme Noyelle, responsable en charge du développement du marché pour les papiers fins chez Antalis, explique la manière dont « les créateurs peuvent, pour ajouter des éléments de différenciation à un projet d’impression, mettre en œuvre un mix de différentes couleurs d’une ou de deux gammes de papier, ce qui leur permet ainsi de créer un effet de collection et d’avoir un plus fort impact sur le plan visuel. Cela est d’autant plus vrai que des techniques d’impression telles que la sérigraphie, le gaufrage ou le marquage à chaud peuvent permettre le mélange de papiers de couleur sans pour autant augmenter les coûts de production. L’impression offset permet, elle aussi, de jouer sur les papiers et leur couleur lorsque les papiers de couleur présentent la même intensité ; sinon, certains ajustements peuvent être nécessaires au niveau de l’encre si l’on veut obtenir un degré de lisibilité qui soit identique. »

 

Qu’il s’agisse de couleurs ou de textures, l’interaction des éléments décuple les possibilités de délivrer un message des plus nuancés. Dans le domaine de la décoration intérieure, les fabricants de peinture ont d’ailleurs bien compris ce principe, et ont, dans cette optique, commencé à créer des tissus dont les couleurs sont assorties à leurs peintures.

De la création et du mélange de polices de caractères
 

Dans le domaine du design, ce qui est fascinant avec le Mix & Match, c’est que cela implique qu’un groupe de personnes créatives canalisent sa créativité dans un cadre donné, ce qui permettra ensuite à d’autres d’être également créatifs à leur tour. Qu’il s’agisse d’un coloriste en quête de couleurs durables avec lesquelles il pourrait jouer, ou d’un graphiste mélangeant diverses influences afin de créer une charte graphique pour le compte d’un client, le processus est toujours le même. Cela commence par le mélange et l’assortiment d’une infinité d’influences, afin de créer ainsi un cadre qui permettra à d’autres d’exercer leur créativité en mélangeant et en assortissant divers éléments à l’intérieur de ce cadre, de sorte que le Mix & Match constitue tout à la fois une impulsion et un aboutissement de ce processus.

 

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Invitation de mariage par Maria Kirvas
sur Keaykolour et Curious Metallics (Russie)

 

 

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Cartes de visite par @Mmmimbert
sur Curious Metallics (France)

 

La création typographique en constitue une parfaite illustration. Tom Foley, directeur de la création typographique chez Monotype, évoque sur ce point son travail et les influences qui sont les siennes dans le domaine de la typographie. « La création typographique a toujours constitué le miroir de mouvements de plus grande ampleur, tant technologiques que culturels ou commerciaux. Si vous prenez l’époque victorienne, qui est considérée comme ayant constitué un véritable âge d’or de la typographie, les expérimentations qui y ont été effectuées et les solutions qui en ont découlé tiennent en grande partie aux améliorations apportées à l’impression ou à l’essor de la culture de consommation.

 

Or ces idées sont toujours d’actualité. Une incroyable part de tout ce que l’on peut voir aujourd’hui en matière de nouvelles typographies est le fait de grandes marques, et de polices de caractères personnalisées spécialement créés pour elles. Cette situation crée à la fois une tendance vers des typographies commercialement acceptables, ce qui se traduit actuellement par l’usage de polices de caractères d’un certain type sans empattement. Dans le même temps, vous avez des réactions hostiles à cette tendance, qui se montrent beaucoup plus expérimentales et qui proposent des créations cherchant à repousser les limites du genre. »

 

Au sujet des opportunités technologiques, Tom Foley mentionne deux exemples ayant, à son sens, provoqué des évolutions majeures au cours des dernières décennies. La première réside dans la création de la technologie des fontes variables, grâce à laquelle il est désormais possible de stocker un nombre infini de fontes pour une même police de caractères dans un seul fichier, ce qui en améliore ainsi l’adaptabilité (voir illustration). L’autre réside dans la technologie des polices de caractères ouvertes, laquelle peut compter jusqu’à 65 536 glyphes. Cela permet notamment d’améliorer la flexibilité des polices manuscrites, car une même lettre peut, en effet, être alors rattachée à la suivante de différentes manières. Cela a également rendu possible la création de polices manuscrites complexes dans les alphabets non latins. Toutes ces influences ont permis de créer une grande variété de polices de caractères.

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« En respectant certaines règles, il est parfaitement possible de mélanger avec bonheur une police de caractères sans empattement et une police de caractères script
(...). »

Tom Foley

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Avec les fontes variables, il est possible de charger un fichier individuel de fontes de 57 Ko
pour créer une variété presque infinie de styles

 

 

Lorsqu’on lui demande des conseils sur le mélange des polices de caractères, Tom Foley indique que la classification habituelle des polices de caractères (par période ou par style) lui semble quelque peu dépassée, car nous vivons à une époque où les gens mélangent allègrement les influences de différentes périodes. « Pour qu’un assortiment de polices de caractères soit réussi, le fait que les polices soient du même genre, de la même époque ou du même style n’est pas ce qui est important. En respectant certaines règles, qui sont d’ailleurs, pour la plupart, assez pragmatiques, il est, en effet, parfaitement possible de mélanger avec bonheur une police de caractères sans empattement et une police de caractères script. J’utilise pour ma part la calligraphie comme une sorte de base fondamentale sous-tendant toute cette idée de comparaison des polices de caractères, parce que les polices de caractères d’aujourd’hui sont dérivées de formes calligraphiques.

 

Le fait de comprendre ces formes permet d’opérer de meilleurs choix. En matière de création typographique, il existe en effet deux grands types de calligraphie qui revêtent une importance de tout premier plan : la plume large et la plume pointue. Cette distinction peut permettre de créer une famille de polices de caractères avec et sans empattement qui pourront très bien fonctionner ensemble si les principes calligraphiques qui les lient sont respectés. » La police de caractères Macklin conçue par Monotype, en est une excellente illustration.

 

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Une famille. Plusieurs styles. Une voix pour chaque instant.
Macklin™ Superfamily, par Malou Verlomme, du studio Monotype.

 

Lorsque l’on parle de la nécessité de mettre en place une communication personnalisée, il semble évident que les nouvelles marques, qui sont souvent des challengers de marques établies, ont de plus en plus besoin d’avoir accès à des outils permettant à des non-professionnels du design de créer des marques d’aspect professionnel. Fruits de l’expérience utilisateur et du travail de graphistes, ces outils s’étendent à de nouveaux domaines, et des collections de polices de caractères conçues pour fonctionner selon un principe de Mix & Match commencent déjà à faire leur apparition. Ces collections, souligne toutefois Tom Foley, sont appelées à devenir courantes et à perdre ainsi une partie de leur personnalité, de sorte que les professionnels de la création continuent de jouer un rôle essentiel et très apprécié.

 

L’art du mélange et de l’assortiment est une question de goût et de subjectivité ; il nécessite de disposer d’une certaine expérience, tout autant faite de réussites que d’échecs. Mais s’il y a bien une chose sur laquelle toutes les personnes que nous avons interrogées s’accordent, c’est que le Mix & Match constitue un jeu véritablement créatif, amusant et propre à abolir les frontières, ce qui est peut-être exactement ce dont nous avons besoin par les temps qui courent.

 

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Explore colour combinations with the
Keaykolour and Curious Metallics ranges

 

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Curious Collection Metallics Peacock
match perfectly with Keaykolour Atoll